Les confessions - Jean Jacques Rousseau


La perception - Selon le sujet ; selon l'extérieur.


       

Jean Jacques Rousseau (1712-1778) est un écrivain et philosophe français, né à Genève dans une famille calviniste. Sa mère meurt dès son plus jeune âge et son père l'abondonne dix ans plus tard, il est alors élevé par son oncle. Passionné de musique, il confectionne un système de notation musicale qui ne connaît pas de grand succès.
Il se lie d'amitié avec Diderot qui lui demande d'écrire des articles sur la musique pour l'Encyclopédie. Plus tard Jean-Jacques Rousseau se met en ménage avec Thérèse Levasseur avec laquelle il a cinq enfants. Ne pouvant, soi-disant, les élever correctement, il les confie aux Enfants-trouvés, ce que lui reprocheront plus tard ses ennemis.
C'est avec son "Discours sur les sciences et les arts" que Rousseau acquiert la gloire ou il expose la thèse que « l'homme naît naturellement bon et heureux, c'est la société qui le corrompt et le rend malheureux ». En 1754 Rousseau retrouve la religion calviniste.
Son oeuvre principale est "Du contrat social", elle analyse les principes fondateurs du droit politique. Pour Rousseau, seule une convention fondamentale peut légitimer l'autorité politique et permettre à la volonté générale du peuple d'exercer sa souveraineté. Il va plus loin que Montesquieu et Voltaire dans la défense de la liberté et de l'égalité entre les hommes, en proposant un ordre naturel qui concilie la liberté individuelle et les exigences de la vie en société. Le "Contrat social" a inspiré la Déclaration des Droits de l'Homme et toute la philosophie de la Révolution. Son influence a été également importante sur la philosophie allemande.
Critiqué par les philosophes et attaqué par Voltaire (qui se moque de sa théorie où la société dénature l'homme), Jean-Jacques Rousseau se sent persécuté. Il tente de se défendre et de s'expliquer dans "Les Lettres écrites de la montagne" et les "Confessions". Attisée par Voltaire, la population va même jusqu'à brûler ses livres. Les dernières années de sa vie se passent à Ermenonville dans la maladie et l'isolement.

          Avec Les Confessions, Rousseau nous permet d'étudier le regard qu'un individu peut porter sur lui-même, regard qui visiblement n'est pas objectif. En ce qui concerne Rousseau il a visiblement embelli son image.

           Une autobiographie est le récit d’une vie faite par l’intéressé lui-même.(Auteur = Narrateur = Protagoniste)
           Selon Philippe Lejeune c'est un « récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de son existence en mettant l’accent sur sa vie personnelle et sur l’histoire de sa personnalité ». L’adjectif « rétrospectif » indique qu'on se retourne sur son passé (il existe donc un décalage entre le moment de l'histoire et le moment de l'écriture). Le nom « récit » indique, quant à lui, l' effort de donner une continuité aux souvenirs.

           Les problèmes de l’autobiographie pour l’auteur sont la déformation des faits par l'écriture et les défaillances de la mémoire. Rousseau par exemple ne se souvient plus des chansons de tante Suson- Cf.

           « Hors le temps que je passais à lire ou écrire auprès de mon père, et celui où ma mie me menait promener, j'étais toujours avec ma tante, à la voir broder, à l'entendre chanter, assis ou debout à côté d'elle, et j'étais content. Son enjouement, sa douceur, sa figure agréable, m'ont laissé de si fortes impressions. que je vois encore son air, son regard, son attitude: je me souviens de ses petits propos caressants; je dirais comment elle était vêtue et coiffée, sans oublier les deux crochets que ses cheveux noirs faisaient sur ses tempes, selon la mode de ce temps-là.
          Je suis persuadé que je lui dois le goût ou plutôt la passion pour la musique, qui ne s'est bien développée en moi que longtemps après. Elle savait une quantité prodigieuse d'airs et de chansons qu'elle chantait avec un filet de voix douce. La sérénité d'âme de cette excellente fille éloignait d'elle et de tout ce qui l'environnait la rêverie et la tristesse. L'attrait que son chant avait pour moi fut tel que non seulement plusieurs de ses chansons me sont toujours restées dans la mémoire, mais qu'il m'en revient même, aujourd'hui que je l'ai perdue, qui, totalement oubliées depuis mon enfance, se retracent à mesure que je vieillis, avec un charme que je ne puis exprimer. Dirait-on que moi, vieux radoteur, rongé de soucis et de peines, je me surprends quelquefois à pleurer comme un enfant en marmottant ces petits airs d'une voix déjà cassée et tremblante? Il y en a un surtout qui m'est bien revenu tout entier quant à l'air; mais la seconde moitié des paroles s'est constamment refusée à tous mes efforts pour me la rappeler, quoiqu'il m'en revienne confusément les rimes. Voici le commencement et ce que j'ai pu me rappeler du reste:
Tircis, je n'ose
Écouter ton chalumeau
Sous l'ormeau;
Car on en cause
Déjà dans notre hameau.
. . . . . . . . . . . . . . un berger
. . . . . . . . . . . . . . s'engager
. . . . . . . . . . . . sans danger,
Et toujours l'épine est sous la rose.
          Je cherche où est le charme attendrissant que mon cœur trouve à cette chanson: c'est un caprice auquel je ne comprends rien; mais il m'est de toute impossibilité de la chanter jusqu'à la fin sans être arrêté par mes larmes. J'ai cent fois projeté d'écrire à Paris pour faire chercher le reste des paroles, si tant est que quelqu'un les connaisse encore. Mais je suis presque sûr que le plaisir que je prends à me rappeler cet air s'évanouirait en partie, si j'avais la preuve que d'autres que ma pauvre tante Suzon l'ont chanté. »
           Autant Rousseau se souvient du visage de sa tante mais autant lui échappe les bribes de sa chanson.


            Le protagoniste a vécu les événements à un certain âge sans connaître la suite, l’auteur les écrits plus tard en connaissant leur conséquence et toute la suite. Quitter Geneves est un moment de libération. Au moment de l’écriture, Rousseau réfléchi sur la vie qu’il aurait eu s’il n’avait pas quitté la ville. Il regrette sa décision, il aurait eu une vie obscure mais paisible et honorée. Il prend soin de distinguer les sentiments au moment des événements et au moment des sentiments du moment de l’écriture.
            L’auteur n’a-t-il pas cédé à la tentation d'embellir, de dissimuler, de déformer sa vie ? Dans une autobiographie, le lecteur souhaite trouver un pacte autobiographique. Le titre est le début du pacte : Dans la religion catholique aveux de ses pêchés à un prêtre pour en obtenir le pardon. 2ème sens : Aveux d’une faute, d’un fait que l’on pourrait dire répréhensible. 3ème sens : environ 400 après JC, Saint Augustin, Les confessions : Récit de la vie de Saint Augustin, adressé à Dieu sous l’angle de sa relation à Dieu. Le titre de celui de Rousseau annonce des aveux totalement sincères.
           Dans le pacte autobiographique figurant dans le préambule, le lecteur trouve un champ lexical de la sincérité : « Vérité », « Franchise », « Ne rien taire », « Ne rien ajouter », « Tel que je fus », « Dévoiler », « Sincérité ».
           Une fois cela dit, Rousseau fait une première mise à l’épreuve de la confiance du lecteur avec le peigne de Mlle Lambercier qu'il jure ne pas avoir cassé.
Épisode du peigne de Mlle Lambercier:
           « J'étudiais un jour seul ma leçon dans la chambre contiguë à la cuisine. La servante avait mis sécher à la plaque les peignes de mademoiselle Lambercier. Quand elle revint les prendre, il s'en trouva un dont tout un côté de dents était brisé. A qui s'en prendre de ce dégât? personne autre que moi n'était entré dans la chambre. On m'interroge: je nie d'avoir touché le peigne. M. et mademoiselle Lambercier se réunissent, m'exhortent, me pressent, me menacent: je persiste avec opiniâtreté; mais la conviction était trop forte, elle l'emporta sur toutes mes protestations, quoique ce fût la première fois qu'on m'eût trouvé tant d'audace à mentir. La chose fut prise au sérieux; elle méritait de l'être. La méchanceté, le mensonge, l'obstination, parurent également dignes de punition; mais pour le coup ce ne fut pas par mademoiselle Lambercier qu'elle me fut infligée. On écrivit à mon oncle Bernard : il vint. Mon pauvre cousin était chargé d'un autre délit non moins grave; nous fûmes enveloppés dans la même exécution. Elle fut terrible. Quand, cherchant le remède dans le mal même, on eut voulu pour jamais amortir mes sens dépravés, on n'aurait pu mieux s'y prendre. Aussi me laissèrent-ils en repos pour longtemps.

           On ne put m'arracher l'aveu qu'on exigeait. Repris à plusieurs fois et mis dans l'état le plus affreux, je fus inébranlable. J'aurais souffert la mort, et j'y étais résolu. Il fallut que la force même cédât au diabolique entêtement d'un enfant; car on n'appela pas autrement ma constance. Enfin je sortis de cette cruelle épreuve en pièces, mais triomphant.

           Il y a maintenant près de cinquante ans de cette aventure, et je n'ai pas peur d'être puni derechef pour le même fait; hé bien! je déclare à la face du ciel que j'en étais innocent, que je n'avais ni cassé ni touché le peigne, que je n'avais pas approché de la plaque, et que je n'y avais pas même songé. Qu'on ne me demande pas comment le dégât se fit, je l'ignore et ne le puis comprendre; ce que je sais très certainement, c'est que j'en étais innocent.
           L'intérêt de l’autobiographie pour l’auteur (à titre personnel) peut être un plaisir nostalgique de se replonger dans le passé et notamment dans l’enfance, éventuellement pour oublier un présent décevant ou insupportable. Et vis-à-vis des lecteurs cela peut être un désir d’apologie de soi : Désir de se justifier et de laisser à la postérité une image juste non déformée de soi. »